Un soldat anonyme

Ce grand gaillard là ? Je le connais pas personnellement mais ça a l'air d'un homme capable. Ouais, il a tout d'un bon professionnel ; je l'ai un peu observé vous savez... il parle peu et agit beaucoup et quand il parle on l'écoute. Ouais ouais, il m'inspire confiance je me verrais travailler avec lui. Hein ? Comment ? Sous ses ordres ? Il est Lieutenant vraiment ? Ah bon... j'sais pas trop faut que j'y réfléchisse... et ça peut prendre du temps. En attendant tu reprendras bien un verre ?

Un civil

Bah il a l'air quelconque. Franchement vous me l'aurez pas montré du doigt comme ça bah je l'aurais même pas remarqué. Ouais il est grand et alors ? Y a des créatures bien plus grandes que lui ici y a vraiment pas de quoi faire le beau. Quoi ? Me calmer ? Mais déjà vous êtes qui vous bordel ?!

Une jeune femme

Plutôt beau garçon oui en effet. Mais il a l'air perdu ça se voit dans ses yeux. Remarque c'est ce qui le rend si mignon.... à croquer hé hé. Quoi ? Vous voulez que je lui fasse des avances ? Je suis pas ce genre de fille moi... oui j'ai des principes. C'est à ce garçon de faire le premier pas et là je dis oui ! Je le croquerai tout entier, ah... mais je rêvasse comme d'habitude, je finirai probablement toute seule...et... euh?? Vous êtes partit ?

Un de ses supérieurs

Le Lt.Tahvo est quelqu'un d'admirable. D'accord il parle peu mais il agit beaucoup... On vous l'a déjà dit... d'accord bah laissez moi poursuivre et sans m'interrompre cette fois ci voulez-vous ? Bon... déjà pour l'avoir vu à l'œuvre c'est pas homme à paniquer facilement c'est une qualité qui se fait rare de nos jours vous savez... même chez les militaires. Il est méticuleux et bien organisé, doué d'une bonne capacité d'analyse et d'un bon sens de l'observation... D'accord je vous l'accorde c'est un type très effacé mais moi tant qu'il fait le job ça me vas. C'est tout ce qui compte. Maintenant vous voudrez bien m'excuser j'ai du boulot.

Un homme louche

Rien à foutre de tes questions ! Fous le camp, tu vois bien que je me fais de l'oseille tranquillement là !

Une subordonnée

Il est un peu spécial. Quand je viens lui faire mon rapport dans son bureau il me demande toujours de rester à 5 mètres de lui. Je reste collée à la porte, oui oui je plaisante pas ! Franchement je suis de nature douce et lui il m'intimide un peu... On dirait qu'il se méfie de moi mais pourquoi ? Mystère ! Il fait ça qu'avec moi ! J'ai deux autres filles plus masculines dans mon équipe et eux ça vas elles peuvent s'approcher. Bizarre bizarre... Non non il est pas violent, toujours très polie et sur le terrain il est respecté et respectable mais bon...

Un militaire stressé

Pas le temps ! Pas le temps ! Mais ça sert à rien de me talonner, tu vas me lâcher oui ? Ehh...!! Attends reviens ! Si, si le type sur la photo je le reconnais. C'est un féru de nature ce gars, toujours avec une paire de jumelles. Hein ? Tu dis qu'il s'intéresse à l'ornithologie ? Je sais pas ce que ça veut dire mais ça doit être vachement passionnant c'est sûr ! Bon à plus, j'ai à faire. Ciao Ciao !
 
Une employée qui aime bien la compagnie

On le voit souvent le soir entrain de boire un verre seul à sa table habituelle. J'ai déjà essayé de causer de tout et de rien avec lui et franchement on se lasse vite. Ah ouais faut pas avoir peur des blancs pour lui parler. Oui il est mignon mais si il fait pas d'efforts il restera tout seul. D'ailleurs c'est étrange car il porte une alliance... je me demande bien quelle femme serait assez folle pour l'épouser ! Ah là là elle doit être sacrément atypique elle aussi ! Hein ? Quoi ? Tu dis que peut-être il serait pas marié ? Que c'est pour nous tromper ? Oh le saligaud ! Mais dis-donc t'as l'air de vachement bien le connaître toi ! Allez crache le morceau je veux tout savoir sur lui !!! Tout tu m'entends ?




 

- Tahvo ! Range donc les jumelles et amène le sac poubelle ! scanda l'un de ses bourreaux.

Il s'ensuivit un brouhaha à réveiller les morts où les autres, hilares, le féliciter pour sa grande poésie. Tahvo était coutumier des moqueries de ses sœurs aussi il n'y prêta pas attention et poursuivit méticuleusement son tour d'exploration. Son œil croiserait-il à nouveau le Grand-duc bien camouflé dans l'épais feuillage de l'épicéa? Il l'espérait de toutes ses forces. Mère Nature exaucerait-elle son vœu du moment ? Derrière une apparence calme, le petit Tahvo bouillonnait en réalité de vie et d'envie comme tous les enfants de son âge. N'importe quelle mère aurait sentit son besoin vitale de découvrir le monde et son envie de laisser éclater sa joie à chaque bienheureuse découverte. Seulement voilà... sa mère n'était plus et seul restait ses sœurs. L'affaire était entendu : pour mener de belles vies dorées d'exploitants, il fallait un exploité à maintenir dans la misère. Le clan Maïkinen était né. Il revenait bien sûr à l'aînée d'endosser le rôle de marraine, d'aimer ses filleuls mais aussi de les châtier au besoin ou juste... par envie... Perdu dans ses rêveries Tahvo ne se rendit pas compte que l'on se rapprochait à pas feutrés et d'un coup sec les jumelles lui furent retirées et sans lui laisser le temps de protester une main agrippa son pull et le tira violemment en arrière. Traîné à même le sol et comprenant à peine ce qu'il lui arrivait il vociférait de rage et luttait contre les larmes qui lui brouillaient la vue le ventre compressé par la peur. Il se débattait de toutes ses forces mais la main ne tremblait même pas. Une masse d'ombre le heurta de plein fouet lui arrachant un cri atroce et lorsqu'il porta ses doigts à son visage ils rencontrèrent un liquide poisseux.

- Tu en veux encore ? Ouvre les yeux maintenant !

Le gamin s'efforça tant bien que mal d'en ouvrir un et le rouleau de sac poubelle se trouvait alors devant lui.

- Prend le et débarrasse nos couverts ! Tu mangeras ensuite.

Il devrait manger par terre ! scandaient-on derrière lui et l'on pouffa de rires.

- Eh ! un peu de gentillesse mesdemoiselles, Tahvo est quand même votre frère. L'ainée le tenait toujours fermement.

- Demie-frère ! rectifia l'une d'entre elles le sourire aux lèvres.

- Quoi ? Cet animal ? Jamais de la vie ! renchérit une autre.

- Oh ne sois pas si dure, il nous est quand même bien utile ! lui répondit-on joyeusement

- Grande sœur ! vous saviez qu'il continue à voir le Français en cachette ? Je l'ai vu se faufiler jusqu'à l'église pour y prendre des cours pas plus tard que ce matin balança encore une autre.

- Oui mais... à partir de maintenant Tahvo va être bien sage avec ses sœurs n'est-ce pas ? Il fera tout ce qu'on lui dira de faire sans poser de questions. N'ai-je pas raison Tahvo ? Parle plus fort je ne t'entend pas !

- Oui grande sœur balbutia t-il le nez coulant et le visage inondé de larmes.

- C'est bien... et s'adressant aux autres : quant à ce curé il n'ennuiera plus Tahvo à l'avenir, il n'ennuiera plus personne.  Tahvo débarrasse et prend ton repas ensuite. Elle s'agenouilla pour être à sa hauteur, l'embrassa sur sa joue tuméfiée et lui murmura à l'oreille : tes jumelles sont confisquées pour le moment.

A ces mots le jeune Tahvo fondit à nouveau en larmes et explosa de tristesse. Il avait beau hurler que les jumelles étaient tout ce qu'il lui restait de son Père ses sœurs, impassibles, ne lui prêtèrent bientôt plus aucune attention.

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Bien des années plus tard

Tahvo observe depuis la terrasse, les deux mains appuyés sur la rembarde, l'agitation inhabituelle gagner peu à peu le village tout entier. Aujourd'hui est un jour spécial, des visiteurs de la Capitale sont présents. Enveloppés dans leurs beaux uniformes, pour certains décorés, ces hommes font fort impression sur les habitants vêtue très sobrement. "Ils doivent avoir froids là-dedans ! Le climat est très rude par ici" sembla lire sur les lèvres d'un habitant le jeune Tahvo.

L'un de ces messieurs prit la parole : "Ecoutez-moi tous ! Nous sommes militaires, nous venons d'Helsinki et nous cherchons des volontaires ! Des hommes robustes et jeunes ! On nous a dit que votre village en formait chaque année !"

Des éclats de rires se firent entendre dans l'assemblée et des habitants acquiescèrent en hochant la tête.

Le militaire reprit avec assurance : "Je savais que c'était vrai ! Vous ne connaissez pas le confort, vous êtes des durs vous ! De vrais hommes ! C'est ce que nous voulons. Vos jeunes ne savent pas lire ni écrire ?  Nous les instruirons alors ! Vous voulez être fiers d'eux n'est-ce pas ? Leur offrir la chance d'avoir de meilleurs conditions de vie ? Avec nous, vos jeunes auront tout ça et peut-être plus encore ! Ils découvriront le monde et vous serez fiers de les savoir épanouis. Moi aussi je suis père et je ne connais pas meilleur dessein que l'armée pour mes enfants. Alors les jeunes, venez vous engager si vous en avez le courage ! Je déclare notre permanence ouverte à partir de maintenant. Nous ne partirons que demain à l'aube."

Tahvo trop concentré à dévorer la scène du regard n'entendit pas l'aînée approcher et lorsqu'il s'aperçut de sa présence elle était déjà à ses côtés.

- J'ai trouvé ça sous ton oreiller dit-elle narquois en agitant un petit carnet rouge.

- Monsieur tiens un journal intime ! Pas de chance pour moi c'est écrit en Français.

Tahvo tenta de lui arracher le journal des mains. Sans succès.

- Tsss fit-elle d'un ton faussement réprobateur avant de le lui remettre.

- Tu n'as pas abandonné ! T'es une vrai tête de mule toi ! Regarde un peu ces hommes, ils sentent bon le parfum de l'aventure !

Ou celui de la mort voulu lui répondre Tahvo mais les mots ne venaient pas.

Après un petit moment de silence elle posa sa main sur la sienne la clouant à la rembarde.

- Tu as toujours rêvé de partir à l'aventure, te souviens-tu ? Tu en parlais tout le temps ! Maintenant que tes sœurs ont toutes quittées le nid il est temps pour toi aussi de prendre ton envol, tu ne crois pas ? Tu rêves de découvrir le monde je le sais. Tu ne te sens pas à ta place ici avec moi. Ton père te manque... tu partage ses passions, le goût de la nature et encore une fois de l'aventure ! Tu sais si il nous a quitté si subitement c'était sûrement pour assouvir ce besoin. Réfléchis-y. Plus rien ne te retient ici.

Et elle regagna lentement le salon.

Tahvo resta là un long moment à cogiter. Elle savait comment s'y prendre pour arriver à ses fins. Et l'idée finit par faire son chemin. Si il s'engageait les remontrances et les coups prendraient fin immédiatement. Il n'était pas heureux ici. Sortit de l'incertitude qui le paralysait jusqu'alors il regagna le salon pour récupérer le seul bien laissé par son Père, la paire de jumelles. Il regarda un instant sa sœur. Elle lui rendit son regard appuyé, un petit sourire narquois au coin des lèvres et Tahvo quitta sans un mot son foyer qui lui était devenu étranger depuis le décès de sa mère.

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Tahvo enrôlé dans l'armée Centrale Européenne participa à différents théâtres d'opérations dans le cadre de missions de maintien de la paix. Souvent à l'arrière, parfois au front il effectua tout une panoplie de missions en rapport avec la logistique allant à la conduite d'engins terrestres jusqu'à la coordination de l'approvisionnement des troupes au sol en passant par la gestion d'entrepôts.
Ses bons états de service lui ouvrirent l'accès à l'Avalon ce qu'il accepta sans hésiter. Il fut parmi les premiers à être sortit de stase pour appuyer les unités d'exploration, prendre la tête de l'entrepôt centrale de l'Avalon et cogérer l'armurerie.