Vetterli est à l’image de l’arme dont il porte le nom : une antiquité, un peu à part dans son fonctionnement tout en ayant une esthétique d’un classicisme affligeant.
D’un point de vue purement physique, Leander est un militaire tout ce qu’il y a de plus traditionnel : cheveux courts et rasé de près, soi-disant pour le masque à gaz, quand bien même tout le monde est passé aux combinaisons depuis quelques siècles. Le regard bleu pâle, rempli d’humanité, il court la rumeur qu’il a encore toute son humanité, contrairement à sa fille : ses yeux expriment toujours une émotion, une étincelle de vie, alors que Juliette est froide. Malgré son âge, Leander est capitaine et entend bien diriger par l’exemple, il a encore une excellence condition physique pour quelqu’un qui a dépassé le demi-siècle. De taille moyenne et d’un gabarit intermédiaire, le capitaine Vetterli est étrangement commun, avec ses cheveux gris et ses yeux tristes, il se dégage de lui une aura habituelle quoique fataliste. Un témoin de l’apocalypse avant l’heure. Ce qui a conduit ses hommes à le surnommer « Doomer », quand bien même il n’a jamais été porteur de mauvaises nouvelles. Comme tout militaire, il a son lot de cicatrices et ses petites habitudes, à appeler les gens « monsieur » ou « madame », plus rarement « mademoiselle ». Fait étrange, Leander a une voix qui porte loin, on ne croirait pas comme ça, mais il est capable de se faire entendre sans avoir à crier. On lui dit souvent qu’il a une voix d’animateur de radio, étrangement chantante. Fait que le capitaine Vetterli a toujours nié.
Niveau hygiène de vie, l’afrikaner s’entretient, il met du déo, se lave régulièrement, se ramène avec une tenue adaptée à son environnement. Peu féru d’accessoires, l’unique luxe que se permet le cinquantenaire est une montre à aiguilles, un cadeau de sa femme. Une vieillerie au boîtier couvert de rayures, au bracelet changé plusieurs fois et dont le vernis tombe. Une relique auquel il tient beaucoup. Lui qui est d’ordinaire facile à vivre, lui suggérer de changer de montre est un excellent moyen de le rendre sec et cassant, voire carrément hostile et belligérant.
Mentalement, Leander est un paradoxe ambulant : meneur silencieux, cynique idéaliste, homme renfermé qui n’hésite pas à aller vers les autres. Capitaine depuis un bon bout de temps, Vetterli croit férocement qu’il faut guider par les actes et l’exemple, que la plus haute droiture est attendue des officiers, sans pour autant virer dans l’intégrisme moral. Même les héros ont le droit à une bière ou une soirée d’égarement. Contrairement à d’autres, Leander n’attend pas grand-chose des officiers supérieurs et des responsables, mais le peu d’attente qu’il nourrit ont intérêt à être remplies. Il a en horreur les tire-au-flanc et déteste plus encore les pourris. De même, il sait qu’il faut savoir passer l’éponge et pardonner, tout le monde commet des erreurs. S’il n’aime pas parler de lui et formule rarement ses opinions, Vetterli n’est pas non plus hermétique. Chacun a déjà pu l’entendre sortir un sympathique « c’était à prévoir » quand un officier merde sur toute la ligne, ou qu’un artilleur s’est blessé avec son outil de travail.
Fait notable, l’afrikaner ne tire pas grande fierté d’être un chevalier d’Avalon. Il préfère la compagnie des militaires. De son propre aveu c’est « un vieux con réfractaire au progrès, malgré lui porte étendard du progrès ».

Leander dit qu’il est sud-africain et militaire
Dans les faits, il a plus souvent été garde champêtre et policier que réellement soldat.
Oh bien sûr, il est fils de militaire, lui-même fils de militaire, lui-même fils de militaire. Né dans un coin agité, Vetterli a eu une jeunesse de dur à cuir, un peu cliché. Bon élève à l’école et capitaine de l’équipe de rugby, sort avec la plus belle fille du lycée, s’est battu quelque fois. Originaire de la classe moyenne-aisée, il va à la fac d’histoire puis intègre une école militaire en sort lieutenant (promotion Kruger). Celui qu’on surnomme Doomer fait carrière dans une section interarmes : officier de liaison entre l’artillerie terrestre et les drones de l’armée de l’air. En l’absence de conflits vraiment chauds, son principal travail se résume à deux tâches fondamentalement pénibles : empêcher le braconnage et réprimer des émeutes. Les deux grandes périodes qui rythment sa carrière terrienne.
En tant que « garde-champêtre » de son propre aveux, ses journées se résument à marcher dans des réserves naturelles pour dégommer des braconniers. À l’occasion, d’envoyer un drone-munition s’écraser sur eux. Il fréquente à cette occasion d’autres militaires, mais aussi des vétérinaires, des psychologues pour animaux (oui) et des juristes. C’est à cette occasion qu’il rencontre sa future femme, une véto, la victime de son lycée. Opposés en tout, les contraires s’attirent et ils finissent en couple sans trop savoir comment, l’une introvertie et l’autre extraverti, l’ingénue et l’audacieux, l’empotée et le soldat. De cette union contre-nature diront certains, naîtra une fille, Juliette. C’est à ce moment que Leander devient officiellement le capitaine Vetterli, promut pour des « actions extraordinaires durant l’exercice de ses fonctions ». Tout est rose, tout va bien, la vie lui sourit.
Jusqu’à l’apparition des troubles, quand il a la trentaine. Une période hostile dans sa région, sa femme se fait assassiner à ce moment-là, il est intégré à la police pour participer à la répression. C’est à cette époque que le surnom « Doomer » lui colle définitivement à la peau, il se fait plus silencieux, renfermé, il grisonne prématurément. Son job et la tragédie qui l’accablent entament sérieusement sa joie de vivre, Leander continue de vivre pour sa fille, ne laisse rien paraître. Il refuse de se livrer à qui que ce soit, même pas à un médecin militaire. Sa fille Juliette, encore très jeune à l’époque devient plus froide. Au fil des années, les caractères s’accentuent, Leander Vetterli devient simplement le capitaine Vetterli, il refuse une promotion et continue de servir. Sa fille marche dans ses traces et devient officier elle aussi, plus entreprenante que son père, elle se fait un poste d’officier-linguiste. Polyglotte confirmée et expert en anthropologie, c’est elle qui est repérée pour le projet Noé.
C’est elle aussi qui propose à son père de la rejoindre. Ils n’ont aucune raison de rester sur Terre, il y a un grand voyage à faire, pourquoi se priver de l’expérience d’une vie ?

Le voyage se passe sans encombre, soixante ans au frigo, ça ne rajeunit pas.

Vetterli père et fille font parties des premiers réveillés, au cours du premier mois : l’un pour jouer au soldat, l’autre pour organiser les effectifs, des tâches subalternes dont ils s’acquittent avec soin. Par (mal)chance, Leander reçoit une écaille, numéro 556. Plus ou moins propulsé de facto dans son rôle d’officier subalterne, les mois qui suivent sont l’occasion pour lui de se faire de nouvelles connaissances. Malgré son grade, il se désintéresse de la politique et de la gestion, préférant largement un rôle de simple exécutant, moitié pour ne pas faire de l’ombre à sa fille, moitié par lassitude de tout ça.
Plus aventurier que capitaine, Vetterli préfère jouer au conquistador.

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