Nìlo n'est pas une lumière, non, ni un abruti fini, non plus. C'est plutôt un gaillard strict et ordonné, qui aime l'ordre, l'autorité et la hiérarchie. Attention, néanmoins, il ne jure que par la vraie hiérarchie, celle du patriarcat et du masculisnisme. Hors de question pour lui de tomber sous le joug d'une de ses donzelles parvenues. Complètement machiste et traditionnaliste, il ne comprend toujours pas comment le sexe faible a pu se hisser dans les plus hauts rangs de l'armée, ce qui l'énerve au plus au point. Cette haine prodigieuse envers les femmes lui a valu plusieurs menus problèmes et explique d'ailleurs pourquoi il est resté tout en bas de l'échelle.
Bref, difficile de mettre son ego de côté quand on s'appelle Nìlo Ochao et qu'on a été élevé dans la plus grande fierté de son être et de son corps.

Ce n'est pas pour rien que Nìlo est bâtit comme un charpentier, carré, musculeux et incroyablement baraqué, il met un point d'honneur à entretenir ce corps qu'il chérit tant. Des heures et des heures de musculation, de sport et plus particulièrement de courses à pied en mode parcours du combattant. Nìlo est une force de la nature, sans le moindre doute. Sa petite tête surmonte son énorme cou de buffle, offrant une coupe toujours courte et impeccable. Généralement rasé de près, son arrivée sur la Nouvelle Avalon a fait pousser drastiquement ses cheveux. Son nez en triangle, ses sourcils froncés, ses petits yeux enfoncés, mais non dénués de vivacité, et sa mâchoire carrée en font le portrait type du militaire en faction.

Vestimentairement parlant, son cerveau lui dicte d'être impeccable. Il revêt donc la plupart du temps son uniforme, ou sa sous-combinaison, en intérieur. Lors des moments informels sa garde-robe se résume à de simples t-shirt et joggings adaptés aux quatre saisons.
Sous cette carapace de dur à cuir se cache un coeur battant (sisi), doué de sensibilité mais toujours incapable de l'exprimer. Un homme tout juste adulte qui peine à vaincre ses maladresses et qui a une faculté indiscutable à tout résoudre par la violence ou le cynisme.

Nìlo Ochoa n’a pas connu ses parents mais ce n’est pas pour cela qu’il n’a pas connu une enfance heureuse. Ses parents étaient deux Méxicains, arrêtés à la frontière avec les Etats-Unis et enfermés depuis, on ne sait où et, surtout, on ne sait pourquoi. Etaient-ils des trafiquants, des passeurs, des guerriers ou des médecins clandestins ? Nulle information n'est jamais arrivée aux oreilles de leur fils. Nìlo, six ans, a été pris en charge par les services sociaux qui l'ont confié à sa plus proche famille : son oncle Cubain et expatrié des États-Unis, Sabas.

De ce changement radical de vie, Nìlo ne se rappellera pas de grand chose, une sorte de grand vide où Sabas prit bien rapidement la place d'un père. Sabas était le riche héritier de la fortune de sa belle-famille suite au décès soudain de sa femme. Ce décès marqua profondément l'homme, si bien qu'après avoir vécu toute sa vie aux États-Unis, il décida de revenir sur les terres de ses ancêtres, à Cuba. Il y fit l'acquisition d'une vaste propriété dans le style colonial et d'un jardin immense où la jungle côtoyait les plantations de citrons. Sa vie était prospère et l'arrivée du jeune Nìlo lui mis du baume au coeur, il se jeta donc corps et âme dans l'éducation du petit. Une éducation en autarcie, à sa manière où l'autorité était maîtresse, où le respect primait et où les futilités d'un enfant de son âge n'avaient pas leur place. Sabas lui apprit le bien fondé du nationalisme, des frontières closes, de l'importance de la méritocratie ou encore  de celui de la domination. Ils étaient les gouverneurs de cette propriété gargantuesque, quel mal y avait-il à ça ? Nìlo se sentait puissant et apprenait rapidement à aimer ça.

Le jour de ses onze ans, Sabas lui fit deux cadeaux. L'un était sa première arme à feu, une arme datée mais dont le passé était gravé dans le bois. L'autre, un Braque d'à peine six mois à la robe grise encore duveteuse qu'il nomma aussitôt Lobo, le loup. Il était temps pour Nìlo de découvrir les deux passions de sa vie : les armes et la chasse. Ainsi, Sabas lui appris tout, comment s'occuper d'un vieux fusil, comment traquer une proie dans la jungle, comment se camoufler, comment tirer et, surtout, comment Lobo et lui ne devaient former qu'un pour tuer ensemble. Lobo et Nìlo devinrent rapidement inséparables. Le jeune homme l'emmenait partout, lui apprenait des tours, l'éduquait et le chérissait chaque jour. Sabas pris également la décision d'inscrire Nìlo au collège, une décision insensée et folle aux yeux de son neveu.

Octobre 2320, Nìlo était désormais âgé de quatorze ans et décrochait tout juste la moyenne au collège. Il n'était pas fait pour les bancs de l'école et ne pensait qu'à sa prochaine expédition dans les bois de la propriété. Pire, les autres l'insupportait, surtout les filles avec leurs soi-disant problèmes et leurs sujets de conversation dont Nìlo il se fichait éperdument. Il apprit bien vite à les détester et apprit plus vite encore à les humilier avec ses copains. Ça, c'était amusant. Mystérieux adolescent débarqué d'une ancienne maison coloniale, il intimidait ses amis avec ses histoires de gibiers et de lunettes de précision, il avait rarement peur mais savait toujours où s'arrêter. L'autorité, c'était sacré. Sauf venant de la part d'une femme, ça, il en joua des tours à ses professeures… et des bien mesquins. Lobo y prenait souvent part.

Durant cet automne, un scandale éclata sur l'île des Caraïbes. D'anciennes mines venaient d'être découvertes sur l'un des archipels de Cuba. Des mines oubliées depuis bien des siècles. Des civils étaient morts, un gars de l'armée, aussi. Cela troubla Sabas, plus qu'il ne le montrait, l'homme vieillissait et devenait plus fragile, Nìlo le connaissait bien et, surtout, il ne voulait pas perdre de valeur à ses yeux. À partir de cet instant, l'adolescent décréta qu'il entraînerait Lobo à la recherche d'explosif. Sabas n'y connaissait rien, si bien que c'était la première fois que Nìlo était livré à lui-même dans un apprentissage pratique. C'était la première fois qu'il avait recours à internet pour apprendre quelque chose. Les ressources étaient plutôt limitées et dénicher des explosifs pour s'entraîner, pas quelque chose d'aisé. La fortune et les contacts aidant, Nìlo parvint tant bien que mal à former Lobo qui devint une véritable truffe à explosifs. Évidement, c'était une compétence qui n'avait aucune utilité dans leur propriété privée mais c'était… rassurant ? Flatteur ? C'était certain, Nìlo en tirait une extrême fierté.

Seize ans et déjà la naïveté enfantine envolée. Nìlo ne ressemblait en rien à ses camarades. S'ils faisaient la même taille, le Mexicain pesait le double de leur poids et mesurait au moins trois fois leur largeur. Cela débuta un changement radical de régime alimentaire, plus de protéines, et la continuité était naturelle : se mettre sérieusement au sport. Sabas vieillissant, les sorties de chasse étaient plus rare et Nìlo avait besoin de se dépenser. Assagis ? Pas le moins du monde, son péché mignon restait indéniablement la chasse de gros gibier importé de l'autre bout du monde et lâché dans la propriété. Un passe-temps onéreux mais jouissif où le pouvoir était maître-mot. Une fois la bête éradiquée, il ne jurait que par un bon cigare sur l'une des nombreuses terrasses de la maison. Un tabac directement produit sur place, le meilleur, d'après Sabas.

Cela faisait plusieurs années que Nìlo chassait le gibier avec pour seul compagnon Lobo. C'était la routine.

Jusqu'à ce fameux rhinocéros, venu d'Afrique et dont la dose de tranquillisant n'avaient pas bien été respectée durant le transport. Il était un peu trop excité, un peu trop vif, trop préparé à ce qui normalement aurait du être une boucherie. Il était prêt à se défendre. Lobo n'était clairement pas habitué à se gibier farouche. Lors de l'encerclement habituel, il s'approcha un peu trop près de la bête exotique qui fit rouler la terre sous son énorme sabot. Nìlo réagit vivement en tirant à blanc pour déstabiliser l'adversaire. Parfaitement entraîné, Lobo s'attaqua à son cou. De plus en plus énervé, le gibier fit valser le Braque qui se rétablit instantanément sur ses pattes, le regard fou. Lobo répondit à la provocation et chargea le rhinocéros qui fit de même. Nìlo avait beau se tenir à portée, tirer plusieurs cartouches entre les deux oreilles, le mal était fait, Lobo gisait, ensanglanté sous le cadavre encore chaud de la bête.

Cette mort marqua définitivement un tournant dans la vie de Nìlo. Il avait perdu un être cher, pire, son seul véritable ami qu'il avait élevé, aimé, avec qui il avait grandis et tant appris. Il avait besoin de changement et, surtout, de voir autre chose que cette propriété dont il connaissait le moindre recoin. À peine l'âge requis atteint, il s'engagea dans les Forces Militaires de l'Amérique du Sud dont Cuba dépendait. Pour la première fois de sa vie, il découvrit des villes, la vie en communauté, les armes à la pointe de la technologie. S'il était en avance sur un certains nombre de points, il pêchait sur beaucoup d'autres, notamment sa connaissance générale du monde actuel et sa vision arriérée de l'armée. Sa capacité à respecter l'ordre établit le sauva et lui permis finalement de devenir soldat.

Ses connaissances et capacités en matière d'explosif et de détonateur ne passèrent pas inaperçues, si bien qu'on lui proposa rapidement d'entrer dans la brigade cynophile. À même pas vingt ans, il allait réaliser son rêve. Réussir à remplacer Lobo dans son cœur et définitivement tourner la page.
C'était sans compter l'examinatrice. Elle l'observait. Elle avait remarqué ses réticences sous les ordres féminins et, pour elle, c'était inacceptable, inexcusable. Alors elle l'humilia, en plein test, le poussa à bout pour voir jusqu'où sa haine pouvait aller. Il ne la déçu pas en mordant à l'hameçon comme un chien enragé. Ici commença la descente aux enfers. Nìlo découvrit à quel point il était difficile de détester les femmes sans que les autres ne vous détestent. Ses amis se défilaient, il ne trouvait plus de soutien dans ses blagues rabaissantes, personne ne le suivait dans ses pièges destinés aux femmes. Le patriarcat déclinait, et ça, ça le mettait hors de lui.

Un mail salvateur arriva en 2328, ses compétences intéressaient le projet Noé. Un truc qui lui permettrait de partir de ce camp pourris, meublé par des boniches. Sa décision fut bien rapide à prendre, rien ne le retenait ici sauf… Sabas. Pour la première fois en six années, il retrouva Cuba et sa demeure, avec émotion il enserra Sabas, lui expliqua qu'il partait pour une autre planète. C'était un peu fou mais ce monde-là était fou alors, pourquoi ne pas aller instaurer une véritable domination masculine ailleurs ? Chasser de nouvelles proies, fumer de nouvelles feuilles séchés et trouver de nouveaux partisans. Nìlo savait lui parler, Sabas se porta aussitôt volontaire et les deux compères embarquèrent à bord de l'Avalon.

Le Cubain n'avait jamais vu vaisseau si grand ni si technologique et encore moins avec autant de monde à son bord. Au fur et à mesure de ses réveils, il se faisait à l'idée de ne jamais revoir la maison de son enfance ni même savoir qui étaient ses parents. Beaucoup de questions qui ne l'avaient jamais effleurés firent surface. Par dessus tout, il regrettait de ne pas avoir emporté les cendres de Lobo avec lui… son seul ami lui manquait. Et, en plus, Nìlo était nul en français, langue qu'il devait se coltiner pendant le voyage. Une langue imbuvable où rien n'avait aucun sens !

Son dernier réveil n'était pas comme tous les autres. Celui-ci, il était à terre et cela lui fit tourner de l'œil. On lui expliqua la situation, l'atterrissage d'urgence et sa place dans les personnes déjà éveillées. On avait besoin de lui. Et surtout de ses capacités en matière de traque et d'explosif. Ce n'était pas des rhinocéros qu'on avait vu sur la Nouvelle Avalon, c'était bien pire.