Vous enregistrez, là ? Ahh oui le petit voyant clignote. Bon, ok, j'me lance.

Jo' ? Bah que dire de lui ? C'est un grand type d' 1 mètre 80. Un grand chevelu qui porte la tignasse jusque aux fesses et sa barbe de trois jours. Une force de la nature. Ce qui m'a frappé quand je l'ai croisé pour la première fois à l'université d'Oslo, c'est son allure cool et réservée. Il faisait un peu tâche dans notre cursus scientifique. Enfin c'est un peu con, mais vous savez, les vieux poncifs ont la vie dure. Tout dans les muscles, rien dans le gadin. C'est vrai que les premiers temps, il était pas causant, même pendant les TD. Il observait, le mec. On l'a pas compris tout de suite, mais c'est un putain d'esprit analytique. Voilà.  Et puis, même après, c'est pas le genre à vous encombrer de longs discours. C'est simple, j'ai jamais vu un étudiant s'exprimer avec autant de concision et ... forcément ... de précision. Lorsqu'il balançait une théorie, c'était pas pour se faire mousser. Vous savez certains pondent vingt hypothèses par jour et attendent que les autres les valident ou les réfutent. Lui, non, c'était une par semaine, mais il avait fait le job avant. Y avait rien à réfuter.

Ce qui me scie encore en y repensant, c'est cette acuité dans le regard. Y a pas beaucoup de gens qui l'appréciaient, peut-être à cause de ça. Qui aime être scanné d'un regard ? Il faisait pas de bruit. Mais il a fait ses preuves. Et c'est l'un des rares qui a passé le cap du doctorat. Quand il a choisit le sujet de sa thèse ça a interpellé bon nombre d'étudiants chercheurs, et même de professeurs. C'est vrai qu'à Oslo on se spécialisait plutôt en recherche sur les biodiversités marines, ou la culture hors sol ou encore ouais, y avait cette unité e recherche en physique quantique, à l'autre bout de l'université. Mais la recherche sur les bio nanites ... d'ailleurs, c'était quoi, ça ?

Moi je faisais mon cursus en biologie cellulaire. Je bossais sur les génotypes humains. Un truc bien terre à terre. Alors, vous pensez quand il m'a parlé d'un futur ou des machines nanomérisées réparerait notre ADN, je lui ai ri au nez. Ça l'a pas vexé. Jo est un roc, vous savez. Y a pas grand chose qui l'atteint ... Enfin c'est ce que je croyais ...

Vous enregistrez toujours, là ? Je peux avoir un verre d'eau ?  Merci. Bon, je vais pas vous faire le laïus sur ses capacités de chercheur ? Vous avez son dossier non ?  Donc cette enquête auprès de ses proches, c'est plutôt une enquête de moralité et de salubrité mentale non ?

Niveau moralité, je pense que Jo' est un inadapté à notre monde actuel. Ça vous surprend. Il est trop honnête. La loi bla bla et tout ça. Même quand cette putain de destinée l'a mis à terre, il a pas dérogé. Parce que quand même quoi ! On avait flingué sa femme et sa gamine. Quelle merde de destinée. Je les ai pas tellement connues. Elle était chercheuse dans le laboratoire de physique quantique, le truc qu'on appelait le blockhaus. Une petite blonde. Ils avaient un bébé de 18 mois. Ouais, c'est moche, ça m'a atteint. Ça nous a tous touchés. Un taré qui pète un câble et professe que la fin du monde est arrivée puis tire dans le tas. Elle avait la petite avec elle ...

Comment il a réagi ? Difficile à dire. Mieux qu'on l'aurait fait pour la plupart, je pense. Mais honnêtement, ça m'a pas surpris qu'il ait annoncé son départ trois mois après. C'est lié à votre enquête ? Pis non, je veux pas savoir. Tout ce que je lui souhaite, c'est de tourner la page et d'aller de l'avant. Quoi qu'il fasse, il le fera à fond. Et il a de l'endurance, il l'a assez prouvé à mes yeux. Mentalement comme physiquement. Ce qui est terrible, c'est que je crois que Jo a plus aucune famille. Rien que le relie à ici. A part sa poignée de potes dont je fais partie.

Ben voilà, je crois que j'ai répondu à vos questions, non ?

Ahh, je dois signer. Signature numérique ? Je mets mon pouce là ? Ok! Empreinte vocale ?  Bonjour, je suis Ingmar Sigurson. Je certifie sur l'honneur que ce témoignage est l'exacte transposition de ce que je connais et perçois du Pr Johannes Thorstad, mon collègue.

◘ 2300  Je suis né avec le 24 ième siècle ! J'aurais dû crever environ en 2400 selon les estimations de l'époque, mais la vie en a décidé autrement . Sacrée philosophie ... La vie c'est qu'une histoire de philosophie ... on en fait ce qu'on veut.

◘ 2303 3 ans. Maman bosse au bureau de poste de notre petit village. Je grandis au milieu des lettres et des colis. Elle m'explique que certains partent très loin, d'autres moins. C'est marrant de l'aider à faire le tri. Je suis très doué pour ça.

◘ 2307  8 ans. Papa est pêcheur.  Rude vie à se battre contre les éléments naturels. C'est l'idée qu'on s'en fait. Il m'explique les choses autrement. C'est surtout s'appuyer sur ce qu'offre la nature, la vie. Parfois pas grand chose, parfois beaucoup. On fait avec. Depuis des générations chez les Thorstad.

◘ 2312  13 ans . Me voilà poursuivant ma scolarité la semaine et les weekends embarqué sur le rafiot de pêche de mon père. C'est un juste équilibre, il me semble . Je ne songe pas à m'en plaindre. Arracher sa subsistance à la nature me semble être le sort de l'humanité. Je ne connais rien d'autre de concret. Pour l'abstrait, il y a les livres, que je dévore, et les cours de mes professeurs, de qualité inégale, certes, mais même l’incompétence de certains m’apprend quelque chose. Et puis je commence à plaire aux filles. Pas forcément à celles qui m'intéressent, mais c'est une autre histoire. En tout cas, il faut que je m'occupe e mon arbre qui pousse et ça mobilise pas mal mes pensées.

◘ 2317  17 ans. J'entre à la fac de sciences avec un an d'avance. Ca surprend tout le monde sauf moi. Ca faisait déjà quelques années que je me faisais chier en cours, mais je faisais durer le (dé)plaisir parce que mon père était mort et que j'étais pas pressé de laisser ma mère seule. Pourtant, là il faut bien sauter le pas. Oslo est trop loin pour que je rentre chaque jour par le train. Je mesure déjà 1m80 et je pèse 80 kgs. Immédiatement, on me suggère l'équipe de Hockey de la fac. Je signe, mais je choisis aussi une option en bio cellulaire. La duplication ou le parasitage des petites cellules me passionne.

◘ 2322  23 ans. Je décroche mon master en bio technologie, applications neuronales. Consécration pour le gars venu d'un village de pêcheurs. Je m'en tape, vous voyez, en fait, ma mère est mourante et je ne l'ai pas vue vieillir. Parce que j'étais loin. La vie est trop courte et pas égale pour tous. La vie est une salope de pensée philosophique. Avant d'expirer, elle me dit qu'elle est fière de moi et que sa vie aura servi à quelque chose. Me mener là où je suis. Je grogne, je ne comprends pas. Sa vie aura servi à me mener à son lit de mort ? Quelle connerie! La vie ça doit être autre chose et je vais m'appliquer à le trouver.

◘ 2327  27 ans. Pardi ! J'étais à vélo, comme un con. Ça passait déjà sur les chaines nationales et les radios aussi. Mais je ne savais rien. Puis ça s'est affiché sur un building, en géant. UNE FUSILLADE DANS LE CENTRE VILLE D'OSLO: DIX VICTIMES DÉNOMBRÉES. J'ai pédalé comme un dingue jusqu'à notre appartement. J'espérais les trouver. Il était vide. Puis l'hôpital m'a appelé sur mon portable et je me suis assis. J'ai vécu leur enterrement comme une sorte de pantomime mais je n'ai rien dit. Il y avait ses parents et bien sûr j'ai senti le reproche: tu n'as pas su les protéger. J'ai encaissé. Jalane m'avait suivi à Oslo pour que je puisse faire mon doctorat. C'est ma faute.

Trois mois plus tard je postule à nouveau pour passer les tests d'embarquement pour le projet Noé. J'avais été pré contacté un an auparavant mais j 'avais hésité encore à embarquer ma petite famille dans l'aventure. Si je l'avais fait, elles seraient peut-être encore en vie. Je recontacte le responsable pour la Norvège, mais étant donné les nouveaux événements, dans ma vie, je dois repasser les tests. Un doctorat en bio technologie moléculaire, spécialité affinités neuro cybernétiques des bio nanites. C'était une aile dans une annexe d'un département de recherche de la fac de bio. Mais ça leur avait plu. Ils avaient aimé ce que je bidouillais dans mon labo délabré. Aussi délabré que moi.

◘ 2328 Le nouveau départ/ Enregistrement du journal de bord de JOHANNES THORSTAD 26 ANS/ holo pour mes collègues  restés sur Terre et pour la postérité / Salut les gars. Je sais pas quand vous aurez accès à cet enregistrement mais on nous a autorisé à envoyer un petit mémo à nos familles. Ben, c'est vite fait, il est pour vous. Je suis actuellement à bord de l'Avalon qui va ascensionner dans moins d'une heure. Je dois me rendre au labo du vaisseau pour compulser encore une fois toutes les vérifications .. enfin voilà, je peux pas en dire plus. Prenez soin de vous et de ce qui reste de notre premier vaisseau la Terre.

◘ 2333 Première sortie de stase. Le voyage a commencé depuis cinq ans et comme le stipulait mon contrat, je suis réveillé pour prendre le relais d'un collègue chargé de contrôler le vieillissement des embarqués durant leur stase pendant six mois. Je dois faire des prélèvements sur les éveillés, et analyser le comportement de leurs cellules après un palier de stase, vérifier que les passagers ayant souhaité faire le voyage d'une traite sont stables. C'est un peu particulier de se réveiller en sachant qu'on ne va pas le rester très longtemps. Difficile de nouer d'autres relations que professionnelles avec les gens qui m'entourent, mais je m'en plains pas. Le deuil m'a rendu asocial. Ce que j'apprécie beaucoup, en revanche, c'est de contempler l'espace par les parois vitrées du planétarium embarqué. Ma première mission à bord accomplie, je suis replongé en stase. On peut dire que le projet repose sur la confiance qu'on a les uns envers les autres.  

◘ 2338 Seconde sortie de stase. Dix ans se sont écoulés depuis le départ de l'Avalon de la Terre. Quand je me réveille pour la seconde fois, j'ai l'impression que c'était hier. On me demande de collaborer avec l'équipe médicale psychologique pour faire le suivi des embarqués en stase et éveillés. Un des psys de l'équipe repère l'ours que je suis et essaie d'amener le dialogue sur un terrain plus personnel. Je me rends compte qu'il a lui mon dossier et qu'il estime que je devrais suivre une thérapie. Je l'envoie se faire foutre. Je suis dans le déni du vide qui a envahi mon intérieur. Je ne veux pas qu'on y touche. Pour moi elles ne sont pas vraiment mortes. D'ailleurs elles sont, d'une certaine façon, encore à mes côtés. Après cette explication de texte musclée avec le psy, on me replace en stase

◘ 2343 Troisième sortie de stase. Après mon réveil, je crois Erik Carlson, un scientifique en bio mécanique quantique qui a l'air aussi sociable que moi. On a un débat philosophique intéressant sur la définition de la vie. Par certains points nos eux visions se rejoignent. C'est la première fois que je croise quelqu'un avec lequel je peux discuter de mes théories au sujet de la vie et de la mort. De la notion de matière finie dans un univers infini, sans qu'on me regarde comme un aliéné mental.

◘ 2348 Quatrième sortie de stase. Je sais pas si vous avez déjà vu un de ces films où le héros revit toujours la même journée chaque fois qu'il se réveille. C'est un peu ma vie à bord de l'Avalon quand je sors de stase, je n'ai pas l'impression que grand chose ait évolué entre deux stases, hormis la longueur de mes tifs qui a augmenté à chaque réveil. Ben quoi ? Je pouvais le programmer, j'en avais les capacités. Donc j'ai neutralisé le nano-capteur qui devait réguler ma production de matière capillaire. J'allais pas rater l'occasion d'avoir une aussi abondante crinière que Ian Gillian ou Jimmy Page, faut pas déconner. Je croise à nouveau Carlson qui me parle d'une histoire d'écaille. Il a pris un sacré coup de vieux. Je me demande s'il a toute sa tête. J'apprends qu'il a choisi de faire la traversée sans stase. Je me dis que j'aurais pu faire ce choix, et mourir à l'arrivée plutôt que de courir le risque de prendre un nouveau départ. Une fois encore, nous échangeons quelques idées sur nos recherches respectives. Je lui parle des nanites bio réparatrices que j'ai expérimentées sur plusieurs espèces animales, mammifères ou reptiliennes. Je lui explique pourquoi il vaut mieux éviter sur les reptiles à cause de l'emballement de la réplication cellulaire. On plaisante en évoquant l'hydre de la mythologie.

◘ 2353 Cinquième réveil. La routine s'installe, hormis les discussions avec Carlson qui ouvrent chaque fois des perspectives intéressantes bien que souvent totalement barrées. Pour le reste, gestion des stases comme au tout début. J'ai vraiment l'impression d'être sous employé.

◘ 2358 Sixième réveil. Je ne le sais pas alors, mais nous sommes à la moitié de ce que sera notre périple finalement. Je me suis pris trente ans dans la gueule, mais physiquement, j'ai à peine pris deux ans. Comme je gère plus vite mes missions à présent, les six mois d'éveil sont mis à profit aussi pour des recherches personnelles qui bénéficient des équipements dernier cri de l'Avalon. J'avance même si je me heurte à la résistance de la définition de l'état de conscience pure.

◘ 2363 Septième réveil. Il a été mouvementé, celui-là, et avec le recul il sonnait un peu comme un avertissement pour ce qui sera notre sort. Je me suis réveillé alors qu'on traversait un champ 'astéroïdes très dense. Les militaires responsables du pilotage ont géré magnifiquement mais ça a quand même secoué un peu. On en est sortis sans dommages. Le paysage spatial était juste sidérant, d'une beauté à couper le souffle. Ça quand même bien remis en perspective la vulnérabilité de notre petit esquif de milliards de tonnes face aux danger des espaces inter sidéraux inexplorés.

◘ 2368 Huitième réveil. A ce stade, j'avoue que l'impatience d'arriver à destination et de commencer une réelle exploration commence à me titiller. Carlson est invisible. Il parait qu'il ne sort plus du tout de son labo et qu'il a sombré dans une sorte de fièvre de la recherche. Je poursuis les miennes en effectuant en parallèle ce pourquoi on m'a engagé. Je n'ai plus beaucoup d'échantillons d'origines à disposition. Echouer si près du but n'est pas une option. Je devrais peut-être en parler à Carlson la prochaine fois.  

◘ 2373 Neuvième réveil : Je reprends conscience avec une belle gueule de bois. On me signale que ce symptôme est commun à plusieurs réveillés qui m'ont précédé depuis un mois. J'analyse les caissons stasiques et détecte une modification des systèmes d'apports gazeux. Un ré étalonnage et un renouvellement des fluides de la stase s'imposent. Énorme chantier qui impliquera plus de six mois de réveil. Je m'y atèle avec une équipe de maintenance renforcée. Parallèlement, tous les réveillés disponibles doivent être testés pour détecter éventuellement le début d'une lésion neuronale. Les tests standards sont bons. Tout a été ré étalonné quand je retourne en stase.

◘ 2378 Dixième réveil. Les embarqués vont bien, hormis quelques syndromes de désorientation. La corruption du système d'échanges gazeux des caissons semble n'être qu'un mauvais souvenir, bien qu'encore inexpliqué. Ce réveil est marqué par l'entré de l'Avalon dans un nouveau système solaire. Le paysage est tout à fait exotique et encore davantage vu au télescope numérique. Nombre des planètes de ce système sont dotées d'anneaux orbitaux magnifiques. J'ai le sentiment de toucher du bout des doigts quelque chose procède pour moi de la vie à son essence même. Un tel agencement de beauté ne peut résulter du chaos. Il y a une forme d'organisation, une intention dans tout cela. N'est ce pas la plus pure définition de la vie ?

◘ 2383 Onzième réveil marqué par une certaine fébrilité du staff scientifique et militaire. Les sondes ont repéré un système potentiellement compatible avec le terra formatage. Nous refaisons plusieurs fois des masses de calculs. Les miens touchent plus à l’adaptation cellulaire en milieu exogène. Ma conclusion est qu'il ne devrait pas pousser de troisième bras ou des yeux derrière la tête aux colons. Les radiations gamma à haute fréquence de la naine qui sert de soleil à ce système pourrait juste favoriser la prolifération de formes de vies atteintes de gigantisme à nos yeux de terriens. Allons-nous déflorer le mythe de Gulliver ? J'ai croisé Carlson qui avait tout l'air d'un spectre fou et parlait d'écailles et e noyaux. Je crois qu'il ne m'a même pas reconnu. Alors c'est ce qui guette le savant que je suis ? La sénescence ? Je compulse avec nostalgie les notes que j'ai prises lors de nos entretiens. Mes recherches touchent à leur but sur le plan théorique. Je n'ai plus que quelques fragments de leurs ADN. Quelques cheveux ... Est-ce que cette nouvelle vie me permettra de les ramener à la vie, de les ramener à moi ?

◘ 2388 enregistrement du 23 janvier. Je suis sorti de stase pour la douzième fois et j'ai à présent 30 ans sur mon compteur nano cellulaire. Je dois analyser les fractures de vieillissement cellulaires provoquées par mes multiples sorties de stase. Le rapport aidera à connaître elles répercutions sur les familles qui ont été régulièrement réveillées.

L'Avalon est actuellement en orbite géostationnaire au dessus d'une exoplanète inconnue que les navigateurs ont baptisée . vient d'être percuté par un fragment stellaire et a quitté son orbite géo stationnaire. Notre entrée dans l'atmosphère de cette planète inconnue ne se fait pas dans un angle acceptable pour la structure et je le sais. L'Avalon ne pourra pas redécoller avant longtemps. Les dommages seront considérables. Certains d'entre nous vont sans doute mourir.

Six mois après...
En fait, personne n'est mort, hormis le vieux. J'avoue que ça m'a fichu un coup parce que j'avais fini par m'y attacher. La dernière fois qu'on s'était vu, il frisait les 80 ans mais il avait toujours l’œil alerte dès qu'il s'agissait de parler bio technologie. Il radotait juste un peu en affirmant qu'il verrait la fondation de notre colonie tout comme ma fille et ma femme la verraient. Il perdait la boussole, mais je ne lui en avais pas voulu de remettre ça sur le tapis.

Dire que j'ai eu du travail ces  dix derniers mois est un euphémisme. J'ai été réveillé trois mois avant la mise en orbite géostationnaire, histoire de préparer cliniquement la sortie de stase de la première vague d'explorateurs de potentielles exo planètes. Grand bien a pris aux dirigeants de l'Avalalon et à son IE car cette première vague dût à sa récupération complète et à sa préparation mentale et physique de faire face à un cash sur une planète qu'il n'était prévu que de scanner dans un premier temps pour étudier sa compatibilité avec le virus que nous étions. On peut dire que cette première vague de colons et de militaires s'est pris une charge mentale de classe 10 entre la gestion d'un cash/ amerrissage sur une planète non évaluée, des avaries d'un vaisseau qui ne volerait plus à moins qu'on arrive au miracle de l'exonef hybride qui se régénère grâce à des bio nanites bodybuildées, mais ça c'était pas demain la veille. Même si on n'en était qu'aux balbutiements et que je n'avais pas encore décidé du bien fondé de communiquer mes travaux à la communauté scientifique de la colonie. Si c'était pour qu'on détruise un autre éco système  planétaire...

Ahh oui, j'ai oublié de vous dire qu'une sacrée tuile m'est tombée dessus à mon dernier réveil. Je suis compatible pour recevoir une écaille. Moi, un guerrier d'Avalon ? Moi, qui fait une fixette phobique sur les armes à feu ? Sérieux, la génétique est une belle pute. Le pire c'est que je le dois à mon vieux complice de délires scientifiques d'entre deux stases. Les écailles, c'est son invention. De quoi me faire regretter toutes mes digressions dont il aurait pu nourrir son délire. Il n'empêche que ces Écailles sont peut-être notre seule planche de salut.  

J'ignore encore à quoi ressemble ce machin quand il est totalement déployé mais j'ai le sentiment que je risque de faire plus de dégâts qu'autres choses avec. L'UTRD affirme que c'est le prolongement de la psychée de son porteur, parfois inconsciente. Je me demande bien ce que va pouvoir donner la mienne. Moi qui me suis toujours refusé à verser dans la violence même quand elle m'a arraché ma famille. Je risque d'accoucher d'un petit singe mécanique tout mignon.

Je sens que je vais en baver à l'entraînement mais ce qui me fait rager c'est surtout le temps que cela va me prendre sur mes recherches sur la régénération à partir de cellules souches d'ADN.